De mai à octobre dans tout l'Entre Sambre et Meuse, qui se situe dans les provinces de Namur et du Hainaut, se déroulent les marches folkloriques, mais d'où viennent-elles ?
Pourquoi folklorique?
Le mot folklore vient de l'anglais folk qui signifie "peuple" et lore qui signifie "savoir". Il désigne l'ensemble des productions collectives émanant du peuple et se transmettant d'une génération à l'autre par voie orale (contes, récits, chants, musiques, danses et croyances) ou par l'exemple (rites, savoir-faire).
Ce qui défini bien les marches de l'Entre-Sambre et Meuse!
Origine des processions :
L'origine des marches remonte au Moyen Âge sous forme de processions dédiées à la Fête-Dieu et ensuite dédiées à un saint qui s'est dévoué en faveur de la communauté.
Bon nombre de marches sont ainsi placées sous le patronage de St Roch (Châtelet, Thuin, Ham-sur-Heure, Acoz) qui se serait « sacrifié » en faveur des populations lors des épidémies de peste du 17ème siècle.
Ces processions étaient accompagnées d'une escorte militaire dont le but était de rehausser l'éclat et de préserver les pèlerins contre les bandes de malfrats qui rôdaient à cette époque. Ces compagnies spéciales d'archers et d'arbalétriers que l'on appelait « serments » sont les ancêtres des marcheurs.
Au début du XVI ième siècle avec l'apparition des armes à feu, ce sont des arquebusiers qui rendaient les honneurs en exécutant des salves. A cette époque, on voit la création de milices urbaines qui, comme les serments, escortaient les cérémonies civiles et religieuses, celles-ci ne revêtaient alors aucun caractère folklorique.
Cependant, dans le courant du XVIIIème siècle, de plus en plus de ces cérémonies devenaient un prétexte pour s'amuser et tourner la religion en dérision, ce qui ne plut pas au clergé et révolution française aidant, l'édit de Joseph II en 1786 mis les marches en pause.
Les coutumes reprendront en 1802 après le concordat signé entre Napoléon 1er et le Pape Pie VII. C'est à ce moment que les Marches prirent un nouvel essor et devinrent des escortes militaires. Elles n'ont pris une tournure "folklorique" que lorsque les vrais militaires ont été remplacé par des civiles vétus de tenues militaires.
Origine des tenues :
Les costumes de nos marches sont dit du 1er Empire et du 2ème empire.
Comment les reconnaître ? Les costumes du 1er empire comportent toujours une paire de guêtres montante au niveau du genou, deux banderoles croisées (le baudrier et la courroie porte-giberne) et une veste qui se termine en queue de pie. Les costumes du 2ème empire n'ont jamais de vestes se terminant en queue de pie, hormis celles du tambour-major et des sapeurs,et ne comportent pas de paire de guêtres, exceptés celles des zouaves montant à mi-mollet.
Il n'y a pas vraiment d'archives ni de preuves sur l'origine des tenues dans les marches folkloriques, mais uniquement des hypothèses, dont certaines plus plausibles que d'autres. Notamment, que les premières marches, avant le XIXème Siècle, comptaient des hommes vétus d'un sarrau et équipés d'un bâton en guise d'arme. La mode de porter des tenues rappelant d'anciens uniformes n'apparaitrait qu'à partir du XIXè siècle.
Au début du XXème siècle, il semblerait que nos aïeux arboraient des tenues pas toujours uniformes provenant de louageurs de Charleroi et de Namur, mais aussi de Givet, en France. Les Belges de cette époque se seraient fournis en France car le louageur givetois disposait d'un vaste choix de tenues belges, françaises, hollandaises...et l'évolution des voies de communications à facilité les déplacements. D'autant que certains villages belges sont plus près de la frontière française que des centres belges!
Cependant, ce serait le prix des locations qui aurait poussé nos ancêtres à porter les uniformes militaires qu'ils avaient sous la main ou qu'ils récupéraient chez des proches (costumes d'anciens militaires belges, défroques de militaires français...).
Une hypothèse, qui fut largement répandue d'après un article dans le bulletin de l'Association, selon laquelle les premières escortes, tout de suite après le concordat de 1802 ou après la défaite de Waterloo, auraient marchés avec les défroques des soldats de Napoléon Ier, abondantes dans nos régions, et que, les costumes se dégradants, les escortes auraient pris ceux qui étaient disponibles, c'est à dire ceux de Napoléon III (2ème Empire) est moins sûre. A cette époque, et pour faire face aux manque de moyens suite aux guerres, les uniformes fançais étaient conservés et transformés pour en faire des vêtements civils. De plus, l'opinion sur la France et les français n'était pas au beau-fixe et le port d'anciens uniformes militaires devait être proscrit!
Avec l'indépendance de notre Belgique et le sentiment nationaliste, les tenues devaient être loin de rappeler celles du 1er Empire, mais bien celles de notre armée belge. Seules quelques rares compagnies étaient équipées de répliques du 1er Empire, telles que les Sapeurs-Grenadiers de Thuin et les grenadiers de Fosses.
Pour en venir au cheminement qui aboutit aux tenues actuelles, ce seraient les deux louageurs, de Gerpinnes et Tarciennes, qui, ayant récupéré le stock de costumes de Charleroi ainsi que les vestes de gendarmerie qui comportaient des imperfections et en les adaptant, auraient standardisés les uniformes et les auraient démocratisés. Cependant, ce n'étaient toujours pas des uniformes du 1er Empire, mais des tenues de la seconde moitié du XIXème siècle qui étaient louées.
Ce n'est que dans les années 1960, et dans les bourgades industrialisées comme Châtelet, Thuin ou Fosses, que (re)nait la passion pour les uniformes étincelants du 1er Empire, avec le mythe des marches folkloriques en défroque après 1815. C'est la demande aux louageurs de confectionner des uniformes du 1er Empire, de la part du président de l'Association des Marches, qui permit la diffusion du costume du 1er Empire dans les villages. C'est probablement à ce moment que la désignation des costumes comme étant du 1er Empire et du 2ème Empire s'avèra nécessaire et s'installa dans le jargon des marcheurs. Notons que le terme de "2ème Empire" n'est pas historiquement appropriés aux tenues qu'il désigne, car la source des uniformes qu'il qualifie est à chercher dans les uniformes du début de l'armée belge et non pas dans ceux portés par les soldats de Napoléon III. Seules les tenues de zouaves et de Spahis peuvent revendiquer historiquement ce terme.
Bref, on peut résumer que l'origine des tenues qui se perpétuent de nos jours dans les marches, émanerait du XIXème siècle avec, pour commencer, une large variété de costumes disparates, pour ensuite adopter l'uniforme de l'armée belge et revenir, dans la seconde moitié du XXème siècle, au flamboyantes tenues du 1er Empire. C'est pour celà que, hormis certaines marches revêtues exclusivement d'uniformes du 1er Empire, il n'est pas rare de voir des marches arborant les deux types d'uniformes ou seulement celui dit du "second Empire".
Il est toutefois important de souligner que les marches sont des marches FOLKLORIQUES et que, comme expliqué précédemment, les tenues ont énormément évoluées dans le temps et ne sont donc pas "historiquement" fidèles. Sans oublier, que les marches restent un LOISIR, certe discipliné, mais qu'elles doivent le rester. Cela n'enlèvant en rien la beauté et le prestige de nos marches folkloriques.
Sources: