Par
Cordaro Silvio
Notre folklore Entre-Sambrien n'est pas rythmé uniquement par le son des tambours de marches, mais également, lors de l'intersaison de nos marches, par celui des tambours de gilles. Mais d'où nous vient ce folklore? Comment est né ce bonhomme rempli de paille? Et surtout, que représente-t-il?
Tâchons d'en apprendre un peu plus au travers d'un condensé d'informations sur les origines de cet étrange lanceur d'oranges.
Avec son chapeau de plumes d'autruche, ses bosses, ses sabots et ses oranges, le Gille est traditionnellement le personnage le plus célèbre du carnaval de Binche le jour du Mardi Gras. Il est aussi présent lors d'autres carnavals, cavalcades et laetares, de la région du Centre et du Hainaut. Actuellement, on trouve même des sociétés de Gilles dans la province de Luxembourg (Arlon, Marche-en-Famenne), en Brabant Wallon (Nivelle) ou encore en Région flamande (Alost).
Il existe plusieurs légendes quant à l'origine du Gille et de son superbe costume couronné par un impressionnant chapeau de plumes d'autruche. Pendant longtemps, on a dit que le Gille était un "descendant" des Incas du Pérou. Ceux-ci auraient été exhibés en 1549 lors des fêtes données par Marie de Hongrie, gouvernante des Pays-Bas, en l'honneur de son frère Charles Quint et de son neveu Philippe II. La théorie la plus plausible est que le Gille est un personnage de très vieille naissance marqué par des influences diverses. Ses origines lointaines remontent aux rites ancestraux des danseurs du renouveau. Ces danseurs espéraient écarter la mauvaise saison, la maladie, la misère et la faim. Le gille porte une ceinture, des sonnailles, une tête de balai (ramon) et offrait autrefois du pain qui deviendra l'orange vers 1850 par suite de l'évolution sociale. La danse et son martèlement cadencé, les sabots, son caractère rituel d'origine rappellent cette appartenance à ces rites du renouveau. La dénomination de GILLE est marquée par le théâtre populaire dont Gilles a été le héros de milliers de farces et de pièces d'où les bosses, la barrette et le mouchoir plié, noué autour de la tête étaient des habitudes théâtrales certaines. Le GILLE est donc une sorte d'officiant attaché aux règles traditionnelles au comportement sérieux reflétant sa superbe dignité qui célèbre le renouveau vers la bonne saison et ses possibilités accrues de la vie.
A la grosse caisse et aux tambours du départ, se sont ajoutés les trompettes, clarinettes et autres instruments de bouche. La musique des Gilles comporte vingt-six airs fixés depuis 1877 (à écouter ici). Sans doute relativement pauvre et rudimentaire à l'origine, le costume du Gille s'est complété et enrichi. Il comporte de nos jours plusieurs centaines de motifs (étoiles, couronnes, blasons, lions, ...), et afin d'éviter les excès, il est à présent réglementé.
En conclusion, le Gille est donc un personnage aux origines diverses et complexes qui a évolué avec le temps et dont on essaie maintenant de conserver intacte la tradition.
Avec son chapeau paré de plumes d'autruche qui montent a près d'un mètre et retombent en panache; avec sa veste et son pantalon de toile de lin frappés de lions rouges et noirs, étoiles, couronnes et blasons; avec sa ceinture de toile rembourée recouverte de laine jaune et rouge ornée de sonnailles (apertintaille); avec son gros grelot et ses deux bosses bourrées de paille; avec sa collerette, ses manchettes et ses parements de pantalon en ruban plissé; avec ses sabots décorés de renons; avec son ramon ou son panier d'osier rempli d'oranges, le costume du gille est poème de couleurs et de sons. Tâchons de le détailler brièvement et d'en décoder la signification.
Evolution du costume de Gille, d'autrefois à nos jours.
Le chapeau de Gille, qui pèse entre 3 et 4 kilos, est constitué d'environ 250 plumes d'autruche, ce qui représente entre 10 et 14 ramures. Elles peuvent être blanches ou colorées (avec de l'aniline) selon la demande du Gille. Sa coiffe est décorée d'une à trois étoiles symbolisant l'espérance, et par-dessus la visière, un piquet d'avoine dorée rappelle la moisson future.
Le costume du Gille proprement dit, se compose d'une veste (blouse) et d'un pantalon (marone), tous deux confectionnés dans de la toile de lin, plus communément appelée toile de jute. Ce costume est décoré de plus ou moins deux cents motifs (lions, couronnes, étoiles, ...) en feutrine noire, jaune et rouge symbolisant les couleurs nationales belges. Certains de ces ornements demandent jusqu'à quatre applications successives. Les extrémités des manches de la veste et des jambes du pantalon sont constituées de plusieurs mètres de ruban blanc froncé, comme celui de la collerette. La veste est remplie de paille qui forme des "bosses". On peut interpréter qu'en traversant la cité, la paille attire sur elle toutes les maladies et tous les malheurs. C'est pour celà qu'à la tombée de la nuit, les gilles forment un rondeau et brûlent leur paille, pour éliminer toutes les maladies et les malheurs!
La collerette, qui est portée sur les épaules du Gille, est confectionnée à partir d'environ 150 mètres de ruban plissé blanc ou légèrement coloré et est agrémentée d'une cocarde blanche et de franges dorées qui pendent à ses bords. Une frange de collerette de Gille porte bonheur si celui-ci s'en arrache une et l'offre!
Le ramon, que le Gille tient aux petites heures du matin, est composé de ligaments en rotin assemblants soigneusement de fines brindilles de rameau, saule ou bouleau symbolisants les prochains bourgeons. Le Gille lance son ramon au passant qu'il désire saluer, puis le récupère en embrassant la personne à qui il a lancé son ramon.
Le panier, que le Gille porte l'après-midi, est composé d'osier et sert à contenir des oranges "sanguines". Quand le panier est vide, il se porte renversé. En ce qui concerne les oranges, elles sont lancées en offrande dans la foule et sont le symbole du soleil, générateur de vie et de la fécondité. L'ancêtre du Gille quant à lui, lançait en guise d'offrande, des miches de pain ainsi que des fruits et légumes.
L’apertintaille, que le Gille porte à la taille, est une ceinture d'environ 3kilos, composée de 7 à 9 petites cloches selon les modèles. L'apertintaille est fait de toile rembourrée, recouverte de laine jaune et rouge disposée par bandes verticales en alternance. Le Gille porte également sur la poitrine un grelot, contre le plastron, qui avec l'apertintaille, éloignent les mauvais esprits par le tintement qu'ils génèrent.
Les sabots, avec lesquels le Gille se déplace, sont fabriqués dans du bois de peuplier. Ils sont garnis d'accessoires en cuir et de renons (rubans plissés comme la collerette et les parements). Le pas du Gille martelant le sol de ses sabots sert à réveiller les forces de la nature et à assurer la fécondité de la terre au sortir de l'hiver.
Le masque de cire, que le Gille porte le matin du Mardi Gras, est fait de toile cirée et de paraffine. Il est confectionné artisanalement et porté exclusivement à Binche. Ce masque au visage rose, aux lunettes vertes et à la moustache et barbiche tailées à la mode Napoléon III, symbolise l'unicité du Gilles. Il est protégé par l'Office européen des brevets et ne peut donc être porté ou commercialisé ailleurs qu'à Binche.
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